Pendant ces vacances scolaires bien méritées, j'ai relu ce petit ouvrage du "pape" de l'antiquité greco-romaine, Paul Veyne. Pape n'est pas le nom qu'il aurait préféré puisqu'il n'est pas croyant, comme il le dit dans son ouvrage.
Celui-ci répond à une question fondamentale, à l'heure où l'on s'interroge de plus en plus sur de possibles "racines chrétiennes" en Europe: comment le monde antique païen est-il devenu chrétien?
Tout commence bien évidememment par l'invention du Christianisme, secte orientale au destin exceptionnel et mondial. L'auteur nous explique en quoi la croyance en Jésus est différente du paganisme, comment elle a pu se répandre rapidement dans l'Empire et surtout ce qui l'a rendu sublime. Il ne faut pas oublier qu'à l'époque de Constantin, seuls 10% des habitants de l'Empire étaient de religion chrétienne.
Constantin, l'homme qui fit du Christianisme une religion noble, qui fit stopper les persécutions, Constantin choisit alors cette religion pour gouverner son âme. Pourquoi? C'est le centre de la reflexion du livre qu'il developpe dans son chapitre "Petits et grands mobiles de la conversion de Constantin". Pour un empereur exceptionnel, il fallait une religion exceptionnelle. Il ne faut pas croire la conversion dénuée de foi, mais elle n'a pas seule décidée d'un geste si grave de conséquence.
Constantin a vaincu Licinius à la bataille du Pont-Milvius en 312 grâce à un songe et à un signe, le chrisme, qui ont amené sa conversion. Mais pas celle de l'Empire. Il a ensuite favorisé les Chrétiens durant tout son règne, mais n'a jamais persécuté ou interdit le paganisme, sauf les sacrifices païens. Cette religion exceptionelle a ensuite servi Constantin, qui en était le chef, de fait. Il faut toutefois noter que Paul Veyne dans son chapitre "Constantin, président de l'Eglise", montre qu'il n'y a jamais eu d'imprécation de l'Eglise dans l'Etat romain.
L'auteur montre comment, après avoir mis le pied du christianisme à l'étrier du pouvoir, cette religion devait devenir dominante. D'abord toujours face à un paganisme dominant et ambiant que seule une évangélisation de longue haleine allait réduire à néant, malgré une réaction païenne sous Julien.
Pour finir, Veyne nous montre les limites de cette victoire. Trois siècles plus tard, des pans entiers de l'Empire se convertiront à l'islam.
Le livre se termine par une question ouverte: L'Europe a-t-elle des racines chrétiennes? Les points de vues de l'auteur sont à lire avec beaucoup d'attention, ils sont bien entendu pertinents et dignes d'attention de la part d'un tel historien.
On peut noter les très nombreuses notes en bas de pages qui permettent au lecteur de prolonger sa lecture dans des ouvrages antiques ou contemporains, même si beaucoup sont difficiles d'accès car en langue allemande. Un appendice ( des extraits de textes antiques touchant au sujet) ainsi que des notes complémentaires complètent l'ouvrage.
Un livre à lire, très bien écrit, dense mais facile d'accès.